Avant Jésus-Christ, et jusqu’au début du XVIIe siècle, les seuls instruments d’observation astronomiques sont des sphères armillaires et autres instruments ne servant qu’à mesurer les positions. Ils ont été assez efficaces dès l’Antiquité Mésopotamienne (second millénaire av JC.) pour que les mouvements apparent du Soleil et réel de la Lune soient connus, et les éclipses prédites avec une assez bonne précision. Pourtant les tailles de ces astres restent tout à fait mystérieuses ainsi que leurs distances. La taille
de la Lune ne pourra être estimée qu’après qu’Eratosthène aura mesuré le rayon de la Terre, trois siècles avant notre ère dans l’Egypte hellénistique des rois Ptolémée.
Cette estimation de la taille de la Lune passe par une observation d’éclipse de Lune et suppose le diamètre de la Terre déjà connu. Nous posons que, le Soleil étant très loin et sa taille inconnue, ses rayons sont parallèles au niveau de la Terre, et que l’ombre de celle-ci a par conséquent la forme d’un cylindre. Or, un cylindre a le même diamètre sur toute sa hauteur. L’hypothèse est donc que l’ombre de la Terre a le même diamètre que la Terre. Nous savons que l’ombre de la Terre est en fait un cône très allongé, mais la différence avec un cylindre est négligeable en première approximation.
Cf. rubrique modéliser.
Dans ce cas, la simple comparaison entre le diamètre de la Lune et celui de l’ombre de la Terre permet d’avoir le rapport taille de la Terre/taille de la Lune. Encore faut-il estimer le diamètre de l’ombre ! En effet, on ne distingue pas celle-ci sur le ciel noir et on ne l’aperçoit (seulement en partie) que quand la Lune s’y trouve ! Comment faire ? Servons-nous de son mouvement ! Le diamètre de l’ombre n’est pas mesurable à un instant donné, mais sa traversée par la Lune permet d’en avoir une idée. Ainsi, si je ne sais pas quelle longueur a ma piscine, mais si mon bateau radiocommandé avance à trois km/heure, je pense pouvoir calculer cette longueur en mesurant le temps de traversée par le bateau.
Mesurons le plus précisément possible l’instant où la Lune entre dans l’ombre de la Terre (premier contact). Il sera utile de se munir d’un instrument d’optique, car les yeux seuls ont du mal à percevoir cet instant. (Souvenons-nous pourtant que les Anciens n’en disposaient pas !). Procédons de même pour l’instant de sortie (dernier contact.) Cela nous donne le temps mis par la Lune à traverser l’ombre.
De la même façon, mesurons le temps mis par la Lune à pénétrer dans l’ombre entièrement : cette mesure nous donne le temps mis par la Lune à se déplacer de son diamètre apparent. La mesure peut être vérifiée par le temps de sortie de l’ombre (symétrique à l’entrée).
Nous disposons ainsi de deux durées :
Le rapport des deux nous donne celui des dimensions : l’ombre de la Terre pourra ainsi s’exprimer en nombre de diamètres apparents lunaires. Exemples : si les deux mesures sont égales, alors la Lune est aussi grande que l’ombre de la Terre, et elle commence à sortir de l’ombre immédiatement après avoir fini d’y entrer ; ce n’est évidemment pas le cas. Si le rapport est de deux, l’ombre de la Terre est deux fois plus grande que la Lune etc.
Avec cette expérience, les anciens ont été capables d’estimer le diamètre de la Lune par rapport à celui de la Terre, puis à partir d’Erathostène, en unités de mesures de longueurs (à l’époque c’était le stade, environ deux cents mètres).
Naturellement, la mesure est faussée par deux approximations :
Traduisons cela en distance, puisque grâce à Eratosthène nous connaissons le rayon de la Terre : Terre 13600 kilomètres de diamètre, nous pouvons en déduire celui de la Lune : 3400 kilomètres. De ce savoir découleront plus tard celui de la distance Terre-Lune, puis de la distance Terre-Soleil, au prix de progrès conséquent en géométrie. On le voit, cette expérience ne nécessite que de bons yeux, une montre et une calculette. A moins que les plus rigoureux d’entre-vous ne mesure les temps au sablier ? Naturellement, ce résultat est celui d’une suite d’approximations, un simple petit pas pour un homme. Mais souvenons-nous que nous étions dans l’Alexandrie des Ptolémées, et qu’en ces temps éclairés mais antiques, calculer la taille de la Lune par l’observation quantifiée est déjà un pas de géant pour l’humanité !
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